Il existe de ces films qui sont capables de nous effrayer bien plus que des effusions de sang, et qui peuvent laisser des traces indélébiles pour tout cerveau, même pouffesque, qui se risquerait à le visionner.
Si les films gores restent de pures fictions pour beaucoup d’entre eux, un film comme « Revolutionary Road » ( Noces Rebelles en français ) nous touche de près par son réalisme, sa capacité pour tout homme de pouvoir se dire : « Putain, ça colle les miquettes… et je risque d’être comme ça. »
Alors si certains veulent tataner de la pouffe, c’est parfaitement inutile : Revolutionay Road, sorti en salles obscures le 21 janvier 2009, y parvient à merveille.
Et pourtant vu l’affiche, on peut penser qu’il s’agit là d’un énième film romantico-dramatique..mais non, il s’agit là d’un drame sans déballages de beaux sentiments gnangnans.
Autrement dit, c’est pas un film de gonzesses.
Mon histoire avec le réalisateur du-dit Revolutionary Road s’apparente à un énorme coup de foudre. Sam Mendès restera à tout jamais dans mon cœur comme l’homme qui a réussi à critiquer énormément de pans de la société américaine dans un seul film : American Beauty ( 1999 ) qui se paya le luxe de rafler bon nombre de statuettes récompensant les meilleurs films américains.
Un coup de maître.
Comme je m’en veux à mort de ne pas avoir écrit d’avis digne de ce nom sur ce film que je prends toujours plaisir à ressortir de ma DVDthèque pour un visionnage chouinant, je me suis dit que j’allais rattraper le coup en rédigeant sur le nouveau film de Sam Mendès.
Et contrairement à Téqui, Mendès est le seul à m’arracher ces quelques mots « un film de Mendès ? Il faut que je le vois, il faut que je le vois ! ». Je n’ai donc eu aucun mal à lâcher les 9.90€ pour ma séance de cinoche. Bon je mens mal : on m’a payé la place, hiiiii !
L’avis ne concerne pas American Beauty, mais pourtant je ne peux m’empêcher d’établir un parallèle évident avec ce nouveau film, dont le titre français est à chier comparé à l’anglophone…un mélange de Noces funèbres et Esprits Rebelles, deux films qui n’ont rien à voir avec la choucroute…
Si Mendès avait déployé bien des talents avec American Beauty qui taillait un beau costume à la société américaine et par extension, à la société moderne en général en utilisant intelligemment cynisme et humanité, il a confirmé son statut de réalisateur incontournable en critiquant amèrement la guerre du Golfe dans son Jarhead de 2006 . En présentant ce film réunissant deux anciennes têtes d’affiche ( Léonardo diCaprio et Kate Winslet ) , il assied encore son statut et peut être promis à de nouvelles statuettes dorées.
● Résumé ●
Comme une succession de clichés instantanés, de photos de la vie quotidiennes de personnes ordinaires, montées brillamment bout à bout, simplement et sans frioritures : c’est de là qu’émane toute la puissance des films de M.Mendès : la Vérité toute nue.
Deux jeunes gens insouciants se rencontrent par une soirée animée, et s’aiment quasi instantanément. Ils s’étaient intimement promis une vie pas ordinaire, voire exceptionnelle. La fraîcheur et la naïveté de leurs ambitions de couple va être bien vite ternie par la routine dans leur maison en contreplaqué , entre deux bambins à élever pour Madame et un boulot inintéressant pour Monsieur.
Lui, il avait d’ailleurs nourri l’ambition de ne jamais suivre les traces de son père, commercial dans l’entreprise où il finira par travailler, et qui n’avait de toute évidence pas marqué les esprits pendant près de 20 ans de bons et loyaux services.
Elle, elle incarnera la Desperate Housewife en puissance, cherchant désespérément un sens à sa vie entre une tournée de vaisselle et une corbeille de linge sale.
Lui pimentera son existence insipide au travail en prenant une femme tout aussi insipide ( et moche ) comme maîtresse.
Un jour, Elle tombera au détour de sa corvée de ménage sur un de ces boîtes que l’on conserve tels des trésors. Parmi toutes les photographies entassées, elle en remarquera une : celle de son époux, jeune et souriant, à Paris.
Dès lors, elle propose à son mari de tout plaquer, partir vivre à Paris et tout recommencer à zéro. Pour mieux fuir cette vie américaine standardisée qu’ils redoutaient tant étant jeunes.
Elle travaillera, lui prendra son temps pour découvrir ce qu’il cherche depuis tant d’années : sa vocation.
La Belle arrivera à convaincre sa moitié.
Si les préparatifs de départ son harassants et les réactions des voisins et proches amis empreintes de larmes – et de jalousie dissimulée -, ils s’en foutent. Ils ont des rêves plein la tête.
Malheureusement, rien ne va se passer comme prévu et l’expatriation tant attendue n’aura pas lieu. Les conséquences, vicieuses et latentes, seront destructrices.
Si dans American Beauty, l’histoire gravitait entre plusieurs personnages de génération et de rêves différents, dans Revolutionary Road, elle reste concentrée sur le couple Winslet/Dicaprio.
Le seul reproche que l’on pourrait faire, mais vraiment histoire de chercher la petite bête, c’est que l’ennui peut parfois poindre le bout de son nez, étant donné que l’histoire reste vraiment ancrée sur les péripéties vécues par le couple.
Fort heureusement, des personnages secondaires viendront ponctuer la vie du couple par leurs réflexions mais aussi leurs actions, parfois déterminantes.
Et le scénario justement , s’il est simple au possible, révèlera toute une palette de facettes explorées brillamment par ce réalisateur talentueux.
Après tout, il ne s’agit là que de l’histoire d’un couple qui décide de plaquer la routine pour s’établir ailleurs. Mais si un jour, votre ami le plus proche ou même un voisin de longue date venait à s’exiler avec toute sa famille sans autres ressources que les économies accumulées sur plusieurs années, le protégeriez-vous d’éventuelles désillusions ou l’encourageriez-vous à quitter cette vie si tristoune ? Et si on vous proposait un meilleur job dans une boîte que vous exécrez, en dépit du projet d’expatriation que vous vous êtes fixé ?..
Si l’histoire devient si poignante, c’est aussi dû aux différents mouvements et stations de la caméra : si elle semble portée à l’épaule lors d’une scène où Elles’enfuit, elle demeure statique quand une expression faciale est intense. Elle s’approche discrètement quand une émotion trop forte emplit petit à petit un visage. Elle s’éloigne quand un regard devient sombre, perdu à travers une baie vitrée fermée.
Toute la beauté des plans devient évidente quand, enfoncé dans son fauteuil de cinéma, les plans statiques trop longs dans beaucoup de films deviennent ici intenses et indispensables pour véhiculer une émotion.
● Résumé ●
Ce scénario pour qu’il devienne poignant, et ces visages pour qu’ils soient expressifs, se devaient d’être mis en scène par un artiste, et c’est juste une pure réussite.
Evidemment, pour 99.9% des cinéphiles ou purs amateurs, la tête d’affiche a dû faire sourire ou envahir notre esprit par un sentiment de nostalgie en souvenir des deux rescapés du Titanic de James Cameron, où un personnage accomplissait sa destinée de glaçon.
Pour moi, il s’agit d’un choix de casting très sensé : les acteurs se connaissent et ont travaillé sur un film dont le tournage fut assez éprouvant. Ils ont joué les deux protagonistes d’un couple improbable, de manière plutôt convaincante. Tellement que j’en ai chialé 4 fois au cinoche et d’innombrables fois en DVD. ( Mais je vous rassure, ça a tendance à faiblir ).
De plus, et c’est de là qu’émane à mon avis toute l’émotion du film, Kate Winslet n’est autre que la femme de Sam Mendès ( ben oui évidemment, quand on ne prend pas le même nom que son mari, on a plus de mal à suivre ). Et si Mendès parvenait déjà sublimement à capter les mimiques et gestuelles d’un Kevin Spacey avec qui il n’avait jamais travaillé, il s’en sort encore mieux en filmant sa femme dont il connaît chaque expression bibliquement.
Et le résultat, me direz-vous ?
Un jeu d’acteurs éblouissant. Je n’accrochais pas avec certaines expressions faciales de Winslet bien avant ce film, mais grâce à Mendès et sa manière prodigieuse de tenir une caméra, j’ai enfin sû décrypter les intentions et pensées de la demoiselle blonde ( oui blonde, pu rousse comme sur le paquebot ).
DiCaprio est lui aussi tout à fait convaincant dans son rôle de chef de famille tiraillé par moults dilemmes. Aimant mais infidèle, audacieux mais écrasé par la société, il joue des paradoxes de son personnages avec brio. Il confirme ainsi être une valeur encore montante dans le cinéma américain si les nombreux films où Spielberg le mettait en scène n’avaient toutefois pas achevé de vous convaincre.
Kate Winslet a déjà remporté un Golden Globe et prétend maintenant au fameux Graal : l’Oscar de la meilleure actrice. J’étais curieuse de découvrir sa performance dans le rôle si fort de cette femme des 50’s tellement ordinaire, tellement combative, fantasmant sur une vie qu’elle aurait souhaité meilleure. Je peux maintenant affirmer sans problème que la statuette serait méritée : elle porte vraiment le film à bout de bras, elle sublime son personnage.
● Résumé ●
Sans cette paire de jeunes acteurs, et sans l’union bienfaitrice entre Mendès et Winslet, ce film n’aurait pas été une telle réussite. C’est certain.
Il ne faut cependant pas négliger les rôles secondaires, puisque très importants : le couple d’amis et voisins qui tombe des nues quand la nouvelle de l’expatriation est lancée, l’agent immobilier ( incarné par Kathy Bates…_encore un clin d’œil à Titanic_ ?) qui présentera son fils sorti d’un asile au couple d’amoureux, les collègues de Léonardo, la maîtresse consternante de futilité… Tous sans exception sont à la hauteur de leurs rôles respectifs.
Autant le dire de suite : amateurs de films à sensations et d’effets spéciaux, fuyez vite !
Je conseille à n’importe qui ne connaissant Mendès que de nom de visualiser American Beauty avant de se précipiter dans les salles obscures découvrir son « Revolutionary Road ».
Car comme je l’ai déjà dit, le cinéma de Mendès, c’est avant tout un regard simple et posé sur des vies ordinaires. Sur des gens comme vous et moi.
Il se focalise dessus, et c’est tout. Et pourtant, ses films sont puissants puisqu’ en 2 heures seulement , le Sieur est capable de vous scotcher à votre siège
Et comme après chacun de ses films , je soupire un énorme coup quand arrive le générique de fin. Comme une délivrance. Comme si j’avais été en apnée pendant tout le film. Juste sciée et l’air un peu goguenard.
En dévalant les escaliers de la salle de cinéma et me dirigeant vers la sortie, je n’ai pu m’empêcher d’assister à une scène hallucinante : une quinquagénaire était toujours vissée à son fauteuil, les deux bras toujours enfoncés dans les accoudoirs, et son mari la tirait par la main pour qu’elle se lève. Elle pleurait et avait l’air ahuri quand elle lui lâcha un tonitruant « Mais laisse-moooooooooi ! »
C’est ça le cinéma made in Mendès ( dur à prononcer ça ) : des films tellement réalistes que l’on ne peut s’empêcher de s’identifier aux personnages. Et Dieu sait qu’il nous rend la tâche facile. Il n’a même pas à se forcer : il montre, sans pointer du doigt, toutes les erreurs de jugement que chacun peut commettre. Il filme, sans juger, les peines que l’on peut causer à des êtres chers.
Les thèmes abordés sont très divers : si évidemment la condition de la Femme en est l’un des majeurs, on peut facilement après mûre réflexion en dénicher beaucoup d’autres : le poids de la société, la peur du risque, l’adultère, le désespoir et l’hypocrisie.
Mais aussi s’apercevoir que derrière cette éternelle incompréhension entre hommes et femmes se cachent parfois des hommes qui font semblant de ne pas voir.
Si je détaillais tous les thèmes en profondeur ( oh oui ), le rebondissement final en deviendrait évident. Et je veux vous donner envie de découvrir ce bijou cinématographique, pas d’en révéler tous les aspects.
Toutefois je ne peux me résigner à évoquer l’idée qu’ Elle émet pendant le film : la société étouffe nos personnalités. Le jeune Léonardo si fringuant, charmant et insouciant est devenu maussade et gris, sans ambition. En d’autres termes, il se fait chier dans la vie, ce vide, cette banalité que nous avons (ou aurons ) tous déjà constaté dans nos propres existences. Kate lui insufflera l’Espoir que ces personnalités joyeuses et naïves renaissent. Mais dans quelle mesure peut-on accepter de changer radicalement de vie pour mieux nous retrouver ?…
Comment un couple qui avait tout pour être heureux finit par s’auto-détruire et consumer la personnalité des deux amoureux ?
L’histoire de tant de couples finalement…Sans hausser le ton ( seulement deux scènes de dispute..une au tout début et l’autre à la toute fin ) et sans s’empoigner comme des sauvages, l’histoire finit très très mal.
Et enfin une interrogation demeure.
Est-ce de une force de vivre en société avec les sacrifices que cela implique, et un aveu de faiblesse que de vouloir fuir cette vie préformatée ?
Ou au contraire, est-ce une force d’avoir le courage de tout envoyer valser, et une faiblesse évidente que de se soumettre aux contraintes de la société moderne ?
Les réponses, Mendès ne nous les livre pas.
Il ne prend pas parti même si l’on est tenté de croire que le fils foldingue de l’agent immobilier incarne la pensée profonde du réalisateur…
Le génie de Mendès se ressent dès lors qu’on retourne chez soi. Sur le chemin du retour, ma mère et moi fûmes exceptionnellement loquaces, arrivant parfois difficilement à exprimer tout ce que le film nous avait transmis comme émotions, comme peurs et joies.
Notre conclusion fut sans détours et votée à l’unanimité par 2 voix à zéro : si Revolutionary Road n’est pas un chef d’œuvre, il est à classer parmi les meilleurs de sa catégorie, un poil après American Beauty.
Une réalisation sublime. Des acteurs merveilleux. Des réflexions sociologiques voire philosophiques. Une grosse claque en travers de la tronche . Ca fait peur .
Oui, on s’en souviendra encore longtemps.
Et pour qu’un film amène une pouffe à se poser tant de questions existentielles et à penser tel un philosophe, c’est que ce film est juste exceptionnel.
Pour la bande-annonce, c’est là et si vous l’avez raté lors de sa récente diffusion télé, je vous conseille de vous précipiter sur le DVD !
PS : Film peut-être à déconseiller pour les personnes atteintes de maniaco-dépression chronique.
Satisfaction : 9 / 10
9 Commentaires
Lalutotale
4 mars 2016 17 h 18 minMerciiii pour le joli compliment <3 Je suis ravie qu'Hellocoton te permette de découvrir mon univers 🙂 Bienvenue ! Installe-toi bien confortablement, je t'apporte une tasse de thé 🙂
L’ouvroir de Mie
3 mars 2016 0 h 42 minCa me donne envie de le revoir ! Je l’avais tellement aimé la première fois. Et ta critique est tellement bien écrite que la personne qui ne l’a jamais vu se dit qu’elle ne doit pas passer à côté 🙂
Voilà Hellocoton a fait remonter ton article et je suis bien contente de découvrir ton blog !
lalutotale
25 mars 2013 15 h 41 minouais ! « amertume », c’est rien de le dire !
Little No
25 mars 2013 15 h 32 minPoignant & malsain, un duo explosif ! J’ai adoré ce film, malgré l’amertume qu’il te reste après ^^
sheli29
24 mars 2013 9 h 55 minC’est MON acteur préféré depuis des siècles, je l’adore…
lalutotale
24 mars 2013 3 h 22 minsi tu oses me dire que ton acteur préféré n’est autre que Spacey, je m’insurge : c’est MON acteur préféré depuis des années, envers et contre toutes qui le trouvent trop laid ! Moi c’est mon BIG fantasme cet acteur :))
sheli29
23 mars 2013 20 h 36 minJe trouve que DiCaprio et Winslet sont tous les deux des acteurs grandioses, et j’ai adoré American Beauty (y’avait mon acteur préféré dedans faut dire)… bref je dois absolument voir ce film! Pis après Drive et l’Orphelinat, je subodore qu’on a un peu les mêmes goûts en ciné, Lucie 😉
lalutotale
23 mars 2013 19 h 20 minmême si tu as du mal avec Léo, franchement c’est plutôt Kate la star de ce film 🙂
blog.us.we’re.famous
23 mars 2013 19 h 06 minLéo j’aime pas !! Je n’y arrive pas…Kate je kiffe en revanche !!!
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